Anthracite
depuis toujours y a des moments
où j'voudrais tout fuir
les lieux, les gens, foutre le camp
changer d'nom, changer d'vie
tenter d'être moi une bonne fois
mais là, quand j'ai osé,
la maladie m'a rattrapé
pour me tordre en deux trois quatre
m'allonger KO, continuer
jusqu'à m'abattre
heureusement qu't'es là toi
l'autre du reste de ma vie
si non j'aurais déja mouru
comme on dit dans mon pays
où l'écriture a tous les droits
parc'que maint'nant y a des moments
où j'voudrai en finir
précipiter la chute
du haut du précipice
où chaque jour un peu je glisse
Les ponts, ça fait pas qu'relier
Monsieur l'Curé
ça sert aussi à sauter
c'est comme des flashes
ça passe
mais ça r'vient, putain !
ça use les pulsions
d'un impulsif à torsions
de pointe en pointe...
Mouru(e) [du latin, mori, mourir] adjectif qualificatif, exprime l’action de mourir, alors que mort est un simple constat administratif de médecin même pas légiste
copyright Elpy 2022
(illustration photo Elpy)
poème paru dans Vivre(s), tome 1, publié par Le Lys Bleu éditions
https://www.lysbleueditions.com/produit/vivres-tome-i/
Contresens
Comme un bébé fait une fausse route
j’ai pris la vie à contresens
imagine c’est une autoroute
et j’me retrouve en panne des sens
en plein week-end du quinze août
quand toute la France part en vacances
y a d’quoi être confronté au doute
et pas qu’le jour de ta naissance
de contresens en contrejour
de contrejour en controverse
de controverse en contredanse
de contredanse en contrarié
c’est sous une belle averse
que ça commence
et pour l’amour
tu l’as raté
dès l’premier jour
copyright Elpy 2022
http://poeteauqueergay.canalblog.com/
(illustration par Elpy, http://couleursdelpy.canalblog.com/ )
Imprévu
J’ai bien aimé le confinement
en plus de rouler au max à quatre-vingts
tout l’monde vivait à mon enseigne
personne ne courait plus les ronds points
étaient vides de gilets et d’autos
on entendait les oiseaux
en prime il faisait beau
C’était un peu le mois du handicap soudain
reclus cœur sec œil humide les gens
n’étaient plus cap’ de rien
sans savoir jusqu’à quand
leur cœur saigne
Alors un moment j’ai pensé
ça y est c’est bon ils vont changer
seulement ça prend plus de temps
évidemment
dé confiner ça rime avec déconner
agrippés à leurs chariots à un euro
ils ont galopé aux supermarchés
saura-t-on un jour combien
de cartes bancaires ont fondu
dans les terminaux de paiement ?
Ça a quand même semé des grains
les salariés des hôtels restos
d'être exploités n’en peuvent plus
même si les salaires montent
vivre ainsi c’est la honte
copyright Elpy 2021
(illustration Françoise Decorse, lien source : https://fr.artprice.com/)
Miss F
Son sourire illuminait
son visage Sénégalais
aux yeux noirs qui déshabillent
c’est un beau mois de juillet j’ai croisé Miss F la princesse
deux copines au prix d’une européanisée de jour
et lorsqu’arrivait la lune les boubous prenaient leur tour
en un tour de main bien sec
Chez elle c’était l’ambassade Sénégalo-Trouvillaise
une enclave faite d’embrassades et senteurs épicées à l’aise
Miss F de fil en aiguille comme une poupée vaudou
m’envoûte m’enlace m’entortille corps et âme de partout
tant et si bien qu’au matin
de pays n’en avait point
Miss F on a trop bien rêvé tous les deux les yeux ouverts
j’avais perdu douze années mais le temps vous récupère
t’avais l’âge de mon aînée presque…
Depuis tu as réussi partant de rien une belle carrière
mais la bohème pour toi c’est fini tu pourrais être ma mère
avec tes idées nouvelles plus du tout rebelles
tu ne veux plus d’un amour s’il est pas officiel
du coup t’es seule en selle à prier la nuit le jour
Allah ton nouvel amour
copyright Elpy 2022
(illustration Patrick Noly, lien source : https://www.artmajeur.com/noly/fr/artworks/2042177/jeune-femme-peul-senegal)
les Feuilles mourues
s’il ramasse les feuilles à la pelle
s’il a jamais pris d’rateau
c’est un costaud
moi les feuilles j’les ramasse plus
j’balance des coups d’pieds
dedans
elles balancent, elles
en plein vent
tous ceux qu’j’ai pris
c’est du lourd, du gros
vous serez pas déçus
si j’les mets en mots
mes mal aimées
Lettre à Marie (du Havre) (une autre lettre)
Chaque un chaque une s'envolait
dès potron minet
jouer son jeu de rôle
dans ce monde pas drôle
avec une seule envie
accourir le soir au nid
où on se protégeait
en une belle farandole
Ton rapport au masculin
était tant serein
celui à la féminité
était si spontané
on vivait en société
secrète L G B
sans même s'en douter
et souvent dans nos lits
on a ri, mais on a ri !
Les câlins qui dérapent
passent pas tous à la trappe
si débarque -pas invitée-
une conséquence enfièvrée
Le rideau est tombé
sur les carreaux d'la salle
d'où j't'ai vue t'en aller
tremblement tremblé fatal
on est parfois rattrapé
par son côté animal...
copyright Elpy 2022
(illustration par Paulo Martin, lien source :
https://www.artmajeur.com/paulomartin/fr/artworks/9920332/peintures-d-art-modernistes-taty)
Franck
On a partagé des bons moments
toujours souriants
vers mes vingt ans
tu construisais ta maison
ta famille tes opinions
j'étais l'copain d'ta soeur
avant d'être son mari
et puis voilà
changement d'heure
la vie passe par là
on a plus été en famille
sauf que loin des bisbilles
on s'voyait de loin en loin
café au bar du coin
j'ai eu mes misères toi les tiennes
ça a jamais changé rien
on est restés copains
là, tu t'es endormi
c'était ta dernière nuit
t'as rejoint Arthur
il était bien aussi
profite enfin d'ta vie
ta souffrance est finie
à Franck
(illustration Philippe Franck, lien source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Philipp_Franck )
copyright Elpy 2023
aux abris !
Ces moments où les gens
avec toute la société
s'apprêtent à fêter
on ne sait quel événement
à coups d'carte bancaire,
crédits ou numéraires
ça m'emmerde
jusqu'à la gerbe
j'préfère rentrer
chez moi m'cacher
nicher au chaud
en solo
attendre que ça leur passe
cette exubérance salace
et bien dégueulasse
copyright Elpy 2022
(illustration lien source : https://inventin.lautre.net/graffiti.html)